SECOUSSE

Neuvième secousse

Poésie

• Pierre Drogi ► Pointu émoussé

  toute la chambre dénudée   toute la maison retournée d’un         seul coup    toute une couture du ciel fendue en sac...

• Matei Hutopila ► sutures traduit du roumain par Raluca Maria Hanea

  entre ta lèvre droite et ta lèvre gauche j'ai décelé une chose plus merveilleuse que les rapports quinquennaux cet après-midi abondamment aspergé de pesticide...

• René Kochmann ► Septaine

  Comme – partout ailleurs – depuis longtemps défunts, des astres morts nageaient, la nuit venue, dans des tasses à café,  dans des torrents à truites. On chantait peu. On chantait faux. Même à contre-courant, nul ne croyait au lendemain...

• Emmanuel Moses ► Sombre comme le temps

  Où vas-tu maintenant, voyageur ? Dans une petite chambre où m’attend celle qui connaît tous mes secrets Les plus beaux comme les plus terribles...

• Dorothée Piffard ► L'Avers

  ... à réajuster     les décombres – (faire des tas, trier, classer) la mémoire s'assoit...

Proses

• François Maurin ► Lettre sur le tacot

  La tache jaune c’est ton tacot, Grange. Un tacot jaune qui n’est pas une vieille Citron. Un quatre cylindres culbuté qui ronronne sous le capot. 300.000 kilomètres avoués au compteur. Un joli ruban jaune de kilomètres déroulés, étiré sous le ciel bleu...

• Raymond Penblanc ► Comme sur la photo

  Leur sourire n’en est pas un, c’est une grimace de circonstance, celle qu’on s’inflige en présence des morts, cet affreux sourire que les vivants accrochent à leurs visages compassés, y compris les enfants dès lors qu’on les y oblige...

Henri Thomas

• René de Ceccaty ► Bouclier de diamant

  Henri Thomas, contrairement à tant d’autres écrivains, ne prend la plume ni quand il est certain d’être en mesure de produire une réflexion nouvelle et structurée et de faire entendre un langage nouveau qui lui assure une posture de poète ou d’écrivain profondément original (...) ni quand il est blessé et cherche à panser sa plaie...

• Henri Thomas ► Lettres à François Boddaert

  On est perdus encore dans l’air noir qui tient la mer à distance ; la maison de Françoise Bigant, avec ses espaces blancs, me fait songer à un pingouin replié, le bec enfoui pour des jours et des jours – loin de là, dans mon quartier, j’ai vu un gros rat sortir du jardin de l’Abbé Moiso et traverser vers l’école des sœurs...

Aux dépens de la Compagnie

• François Bon ► Autobiographie des objets

  Si je déplace la main en fermant les yeux, je reconnais la forme hélicoïdale des pales et leur bord d'attaque. Plus tard, en école d'ingénieurs, on aurait de méchants exercices d'aérodynamique avec intégrales sur des objets similaires. J'appartiens à un monde disparu...

Carte blanche

• Marie-Claire Bancquart ► Tenir à distance

  J’essaie de me carrer en moi bien droite et symétrique comme, enfant, on dessine un squelette debout sur une page, avec des bras qui pendent...

• François Bon ► Entretien avec Anne Segal et Gérard Cartier

  Ce qui est fascinant, pour moi, c'est que par exemple Balzac change de nom d'auteur à mesure de l’évolution des technologies de diffusion de la lecture. (...) Lord R'hoone, c'est un écriveur de fascicules pour cabinets de lecture...

• Bernard Chambaz ► Portugal intérieur

  À la première page, je n’avais encore rien vu venir. Et puis, soudain, un souvenir est remonté comme une bulle, et j’aurais pu entendre le bruit que fait le magma quand il crève la surface. Ce voyage au Portugal, c’est le voyage que nous avions prévu  ...

• Christian Doumet ► Texto

  Le sentiment du manque est l’un des ressorts les plus méticuleux de la psyché humaine. Réel ou fantasmé, objectif ou subjectif, il conjugue toujours minutieusement deux extrêmes : la souffrance de l’absence et le plaisir d’une certaine présence. C’est par là qu’il se décrit...

• Li-Young Lee ► Tu me manques... traduit de l'américain par Christine Bonduelle

  La nuit est l’ombre allongée des mains de mon père réglant  l’horloge pour la ressusciter...

• Anne Serre ► Carnets (extraits)

  Relisant des lettres du passé, toujours frappée de découvrir que lorsque je les recevais (il n’y a même qu’un an ou deux), je ne remarquais pas qu’elles étaient affectueuses. On dirait que l’affection ne me parvient jamais, comme la lumière des étoiles mortes, que des années plus tard...

La guillotine

• Christian Doumet ► Salut les gros !

  ...les « obèses » de la gesticulation médiatique ne s’opposent même pas aux intellectuels : ils les dévorent depuis longtemps ; ils prennent leur place ; ils les digèrent. Et nous assistons à ce festin silencieux, croyant encore à la vertu réconfortante de l’indignation....

Zarbos

• Adrienne Arth ► Variations Neige suivies de Neige de Claude Ber

  J’ai travaillé cette série, de façon à effacer les masses, à saisir la matérialité de la neige, ses lignes griffant l’espace, et à immobiliser les passants, fantômes éphémères pris dans une neige lourde sur-marquée par un travail du blanc...

• Karim Haouadeg ► Les paradoxes d’un comédien - sur Parole d'acteur de Maurice Durozier

  Le comédien est un menteur professionnel qui ne triche jamais. Certains savent porter cet art à un degré de perfection admirable. Parmi eux, l’un des plus remarquables est assurément Maurice Durozier ...

• Olivia Louvel ► Entretien avec Christine Bonduelle à propos de l'album Ō

  La langue très mélodique, à base de voyelles, de [O], m’a donné envie de composer une série de morceaux, une musique minimale, essentiellement vocale. J’ai appelé ce projet Ō avec le trait à plat sur le O comme dans le nom de Bashō....

• Jean-Marie Perret ► Judith Wolfe - sur une exposition de la peintre

  Judith Wolfe a beaucoup appris de l'Orient. Elle a pris racine en Europe, et d'abord à une époque où, en Europe centrale, l'expressionnisme avait beaucoup à dire. La vigueur qu'elle puisait dans l'expressionnisme abstrait américain a fait le reste....

• Catherine Soullard ► Dans les blancs... - sur Quelques heures de printemps  de Stéphane Brizé

  Rien de grandiose ici, on se lave, on s’habille, on mange, et on souffre (...) Les êtres y sont taiseux (comme souvent chez Stéphane Brizé) vivant sous des dehors obscurs et désenchantés des conflits et des drames implacables. C’est cette intériorité qui chavire. ...

• Catherine Soullard ► La joie de cette vie - sur le film Hiver nomade de Manuel Von Stürler

  À la faveur de cette aventure, physique, poétique, métaphysique, on redécouvre le bonheur d’un thé chaud, d’une touffe de brindilles prenant feu à ras de la terre gelée, le régal d’une douche, le bruit de la pluie sur les bâches...

Notes de lecture

• Mathieu Bénézet ► Œuvre 1968-2010 - Note de lecture de Gérard Cartier

  L’élégie est la vraie manière de Mathieu Bénézet, il y cède ou s’y refuse selon le moment, ou plutôt lui donne forme et la nie dans le même temps : c’est un chant souvent heurté, qui vit de sa propre émission, où l’effusion s’étrangle aussitôt formulée....

• Davide Carnevali ► Variations sur le modèle de Kraepelin - Note de lecture de Karim Haouadeg

  Carnevali est donc bien placé pour savoir que l’Europe est malade de sa mémoire. Il le montre de manière éclatante avec le personnage du père, chez qui coexistent de manière particulièrement habile une extrême confusion et une lucidité radicale...

• Camille de Toledo ► L'inquiétude d'être au monde - Note de lecture de Pascal Commère

  Et le chant continue, tenu et structuré, sans rien pourtant qui entrave la liberté du ton ; ni le découpage (en strophes de longueur inégale), ni le sérieux du discours qui fait corps avec son objet – situation de l’homme contemporain face aux horreurs du siècle passé...

• Jude Stéfan ► Disparates - Note de lecture de Gérard Cartier

  ...c’est une rêverie ordonnée chargée de souvenirs qui nous restent parfois cachés ; c’est aussi une traversée des siècles et des livres : les vers embrassent l’Antiquité comme le monde contemporain, les mythes aussi bien que la Littérature. Ils embrassent surtout la langue...

• Christa Wolf ► Ville des anges - Note de lecture de Chantal Colomb-Guillaume

  Revêtant symboliquement le pardessus du Docteur Freud, la narratrice s’engage alors dans une douloureuse introspection qui la confronte à une amnésie concernant un bref moment de sa vie durant lequel elle aurait collaboré à son insu à l’espionnage organisé par la Stasi...

• Louis Zukofsky ► "A" (sections 13 à 18) - Note de lecture de Petr Král

  Mieux, plus importante que le volume de références ou de citations directes que le poème rassemble est la danse qu’il leur imprime – voire le seul fait que malgré son poids, ce volume se mette peu à peu à danser avec une grâce propre...